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ARTICLE DU 16/01/2002
Volcan  
Monstre charriant la pierre et le feu, il rouge du Malin, entrée des enfers, monde souterrain, létal et sulfureux, le volcans suscite la crainte et le respect des populations depuis la nuit des temps. Le "gentil" Piton de la Fournaise draine donc son lot de légendes et de superstitions. Même si, aujourd'hui, les Réunionnais lui vouent surtout sentiment d'affection.


 
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Le volcan dans l'imaginaire populaire

Légendes et superstitions autour du Piton de la Fournaise


Vous n'avez pas remarqué ? Toutes ces dernières nuits, les milliers de badauds massés sur les hauteurs du Pas de Bellecombe se bousculaient dans un silence quasi-mystique.
Des chuchotements, à peine, comme pour laisser parler le Piton de la Fournaise, pour ne rien manquer de ses feulements et de ses grondements. Du respect des hommes devant les splendeurs brutales de la Nature. Le bipède se sent tout petit, et humble, et vulnérable, face au dragon dans son enclos.
Quand on ne savait de ces drôles de montagnes que leurs réveils épisodiques et colériques, lorsque Haroun Tazieff n'avait pas encore emmené dans la gueule de la bête des hordes de télespectateurs avides, lorsqu'on ne connaissait rien, ou si peu, de l'activité sismique, les hommes craignaient les volcans. Tous les volcans, ces monstres à peine endormis, aux réveils grognons, périlleux et incompréhensibles.
L'éruption était vécue à la manière d'autres phénomènes naturels -les éclipses, notamment- comme une malédiction, une punition des cieux ou des profondeurs de l'Enfer.
Car qui, à part Lucifer lui-même, pouvait ainsi gronder sous la terre et faire jaillir au soleil ces geysers de lave, ces langues de feu sauvages ? Quand la Nature s'agite et produit de telles violences, comment ne pas invoquer le magique, le divin ?
Au fil des siècles, les rumeurs et les superstitions des populations successives se sont ainsi cristallisées autour du Piton de la Fournaise, ce voisin lunatique et terrifiant. Objet de culte et de légendes, il est sans doute le site naturel qui "occupe le plus l'imaginaire créole", ainsi que le note dans son livre "Kroyans" (éditions Udir) Daniel Honoré. Le Diable y aurait ses quartiers, comme l'explique un gramoune: "Le volcan, c'est l'enfer, le royaume de Lucifer qui gouverne un peuple de personnes mauvaises dont l'âme se brûle au feu en sortant du ventre de la terre". Et si "la lave déborde parfois de l'enclos, c'est que le Diable, dans sa rage folle, cherche à insulter le Bon Dieu et crache des laves et des flammes vers le ciel."

"LE PAÏS BRUSLÉ"
Ainsi, par crainte et par respect pour ce qu'ils nomment "la chose", les premiers habitants de l'île se sont installés loin de cette "montagne ardente du Païs Bruslé". C'est seulement dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle que des aventuriers osent partir à l'assaut du volcan. Prosper Eve raconte dans "Ile a peur" que "le volcan est perçu par les esclaves comme un royaume infernal où le Diable règne sur les esclaves blancs et les maîtres noirs".
Ainsi, le naturaliste Bory de Saint-Vincent, qui entreprend en octobre 1801 la première ascension du Piton de la Fournaise, rapporte dans ses carnets de voyage: "Les Noirs découragés par tout ce que les esclaves du canton leur racontaient, témoignaient la plus grande terreur (...)
L'un d'eux raconta plusieurs traditions du pays. Il avait, disait-il, appris par d'anciens habitants que le volcan était le patrimoine du Diable; que c'était la bouche de l'enfer; qu'il était d'autant plus dangereux pour nous d'y monter, que les Blancs n'en revenaient plus, les démons les réduisant en esclavage, les employant à creuser la montagne, à diriger les courants de laves, et à attiser le feu sous les ordres de commandeurs noirs." Où le cratère abrite donc un "monde inversé": l'oppresseur et l'oppressé se retrouvent, mais chacun a pris le rôle de l'autre. Prosper Eve explique qu'une "mentalité nouvelle s'est façonnée": face à la cruauté du maître, l'esclave ne peut que "se soumettre et craindre". Et à la peur du maître s'est ajoutée la peur du Diable et de l'Enfer, contre laquelle "il peut se prémunir moyennant la conversion, la soumission et la bonne conduite". L'universitaire note qu'il est certain que nombre d'esclaves ont refusé de se convertir "pour ne pas admettre la possibilité d'un châtiment après la mort, qui les maintiendrait encore dans l'esclavage".

MME DESBASSAYNS ET GRAND-MÈR KAL
Dans "Magie et sorcellerie à la Réunion", Robert Chaudenson précise pour sa part que les "habitants" du volcan sont en fait les âmes errantes de personnes qui ont péri par crime, suicide ou accident, et les grands criminels. On peut noter encore une fois l'influence de l'évangélisation progressive de la communauté africaine : sont condamnés à errer les êtres privés d'absolution.
Parmi les résidents les plus célèbres, on trouve Mme Desbassayns (1755-1846). La légende dit que cette puissante esclavagiste avait fait preuve d'une cruauté inouïe envers ses hommes ("Le voleur avait la main écrasée, celui qui voulait se faire marron dans les bois avait le pied coupé, le rebelle était pendu la tête en bas sous le soleil jusqu'à ce qu'il meurt de soif", rapporte Daniel Honoré, dans "Légendes Créoles"). lll
lll On raconte qu'après sa mort, un éclair vint et emporta son âme pour la jeter au fond du volcan. Comme les autres esclaves, elle est chargée de souffler sur les braises pour attiser le feu de la terre.
Voilà pourquoi "chaque fois que le volcan est sur le point de cracher ses laves, on entend le chabouc claquer et Lucifer crier: "Sof madam Débasin, sof"! Ce qui signifie "chauffe".
On dit aussi que parfois, Mme Desbassyns est si fatiguée que ses cheveux tombent; le vent les prend et les sème partout. C'est ce que l'on appelle couramment "les cheveux de Pélé".Au fond du volcan, Mme Desbassyns doit aussi cotoyer un autre personnage important de la mythologie créole, Grandmèrkal. Ses origines sont assez obscures (était-elle esclave ou femme d'engagé ? Malgache ou Africaine ?), mais on lui prêtait en tout cas certains pouvoirs de guérisseuse.
Elle est devenue dans l'imaginaire créole une sorte de sorcière : on dit aux enfants que s'ils ne sont pas sages, Grandmèrkal sortira du volcan pour venir les manger.
Une autre très célèbre histoire est rapportée par Daniel Honoré. Monsieur Paul avait une plantation de vanille qui prospérait au pied du volcan. Celui-ci entra en éruption, et pour sauver sa récolte, le Gros-Blanc eut l'idée -puisque le Bon Dieu est toujours plus fort que le Diable- de placer une statue de la Vierge devant l'entrée de son champ.
Hélas! La vanille fut tout de même brûlée ! Cependant, la lave ne toucha pas la Vierge. C'est depuis ce jour que le 15 août, on vient en pèlerinage du côté de Grand-Brûlé afin de remercier la sainte femme qui épargne les hommes des coulées meurtrières.
Les Réunionnais continuent à rêver leur volcan. A le regarder, à s'en méfier et à s'en fasciner.
Nous sommes allés à la rencontre des gens des Hauts, afin de vérifier si eux, plus que les autres, avaient de la Bête une conscience plus aigüe.
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Autour du volcan, rien n'est plus comme avant
Le téléphone sonne chez les rares épiciers dionysiens qui ont la chance d'en être équipé. M. Murat, depuis la Plaine-des-Cafres (qui a donné son nom au célèbre bourg), déploie toutes ses forces pour avertir ses proches et amis de l'entrée en éruption du Piton de la Fournaise. D'une main il actionne la manivelle pour composer le numéro de son interlocuteur de l'autre il tient son combiné collé à son oreille. Aussitôt, la nouvelle fait le tour de la commune et bientôt, la Réunion entière est au courant de l'événement. Pas de télévision, quelques transistors sans fil n'émettent que de la musique... à l'époque - au début des années soixante - c'était le seul moyen de communication. Et lorsqu'un fil téléphonique est sectionné, André Murat, propriétaire-cultivateur dans la région du volcan, prend son camion à bord duquel il a rangé ses légumes destinés aux commerçants du chef lieu. Sur le littoral, des expéditions commencent alors à s'organiser...
Le volcan du piton de la Fournaise a toujours passionné, fasciné et parfois inquiété. A l'époque, les moyens d'accès n'étaient pas les mêmes que ceux d'aujourd'hui, loin de là. «Des randonnées étaient organisées depuis le 27e kilomètre», raconte Gilbert Albany, fondateur de l'Association pour la sauvegarde du patrimoine et des images de la Réunion (ASPIR). «Pas moins de quatre jours de marche étaient alors nécessaires pour faire l'aller-retour». La randonnée se faisait en deux étapes. Les accès qui commençaient à peine à être aménagés permettaient aux aventuriers d'accéder jusqu'au Nez de Buf. La seconde étape, engagée le lendemain, menait les randonneurs jusqu'au pas de Bellecombe où le gîte a été construit à cette époque. «Nous avions un guide invétéré qui nous a appris de nombreuses choses», poursuit M. Albany.
Les randonneurs étaient étonnés à l'époque de rencontrer sur leur passage de nombreuses bouteilles disposées ici et là jusqu'au cratère. Il ne s'agissait pas d'un système de balisage ni d'actes de malveillances, bien au contraire. «C'était uniquement pour recueillir l'eau de pluie. C'était d'un très grand secours pour les marcheurs», poursuit le président d'ASPIR. Toutes les bouteilles étaient inclinées dans la même direction, leur goulot tournés vers l'Est.
Deux à trois fois par an, des excursions étaient ainsi organisées. Et lorsque le cratère vomissait ses torrents de lave, les marcheurs s'approchaient le plus possible de la coulée, jusqu'à l'endroit où la température était «humainement supportable». Le sol sous leurs pieds étaient tellement chaud qu'ils pouvaient cuire sur place leur beefteak. «Je me souviens que nous faisions des omelettes sur des poêles», poursuit Gilbert Albany, âgé à l'époque d'une vingtaine d'années.
Premier photographe de presse et cinéaste de la Réunion, son père, André, avait participé avant lui à de nombreuses expéditions au volcan. Notamment en 1931 avec M. Merwart, Gouverneur de la colonie, leur guide M. Jasmin et quelques porteurs.
Il ramena du volcan la première vue panoramique jamais prise de la Fournaise. Pas moins de six jours aller-retour étaient nécessaires pour cette expédition qui démarrait au 27e km. La première journée conduisait les marcheurs jusqu'à la pente Zézé en passant par Piton Textor, le Nez de Buf, la Plaine des Cafres et la caverne Latanier.
La deuxième étape reliait la pente Zézé au gîte du volcan qui n'était à l'époque qu'un simple abri. Le lendemain, il ne restait plus qu'à gagner le chemin de lave en empruntant le Pas de Bellecombe. Le temps de prendre les photographies nécessaires avec les moyens de l'époque - c'est-à-dire des appareils dépourvus de cellules, une dizaine de plaques, et peu de chose - il fallait penser au retour.
Quelques années plus tard, au début des années 50 les choses étaient déjà bien plus faciles puisque des chevaux assuraient le transport des bagages et des personnes «les plus fragiles». Mais on était encore bien loin des infrastructures routières, des milliers de voitures qui se rendent chaque jour au volcan depuis son entrée en éruption en début de semaine et des moyens performants de prises de vues. Les choses autour du volcan ont bien changé.



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